Depuis l’explosion de NWA et son Straight Outta Compton, la ville de Compton (plus connue sous le nom de CPT), a été présentée comme étant la capitale d’une violence, et d’une pauvreté sans foi ni loi. Même si il n’est né qu’une année avant la parution de cet album, Kendrick Lamar a lui aussi vécu en plein cœur du chaos de Compton. Le label de l’artiste (Top Dawg Entertainment/ Aftermath Entertainment/ Interscope Records), reconnaît que même si Kendrick a habité les murs de Compton, ce n’est pas Compton qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui.
« Oui, nous étions pauvres, mais je n’ai jamais vécu comme tel, » a rapporté Lamar, dont les parents ont quitté Chicago pour la Californie. « Je vivais comme tout le monde. Ma mère, sous protection sociale, travaillait au KFC et mon père faisait ce qu’il avait à faire dans la rue pour subvenir à nos besoins. C’est ainsi que j’ai été élevé. A l’adolescence, j’ai pris conscience à quel point c’était difficile, mais j’étais toujours capable de rester un enfant et de vivre comme tel. »
En comparant son enfance à celle du personnage de « Kaine » issu du film Menace II Society, le jeune Kendrick a grandi au sein d’un foyer normal, qui, une fois la nuit tombée, devenait un lieu de fête jusqu’au petit matin. Des jeux de hasard, aux barbecues, tout coïncide avec ce film, jusqu’à la bande originale - de « For The Love Of You » des Isley Brother à « For Tha Love Of Money » de Bone. Toutefois, et contrairement au film, cette fiction représentait le quotidien de Kendrick et de la plupart de ses amis, à l’exception près, que Kendrick n’a pas suivi la voie toute tracée de la drogue et des gangs.
« La seule et unique chose qui m’a permis de rester loin de tout ça, c’est le fait que mon père soit toujours resté derrière moi » dit-il « Il me disait que si je m’entêtais à faire ce que j’étais en train de faire, il ne fallait pas que je revienne vers lui car il m’avait suffisamment prévenu. J’ai essayé de quitter tout ça quelques fois, mais je revenais toujours, jusqu’au jour où j’ai vu mes amis se faire attraper en train de fumer et être envoyés en prison à perpétuité. J’ai alors pris conscience de la chance que j’ai eu de l’avoir à mes côtés. Depuis ce jour, j’ai laissé tomber toutes mes merdes et arrêté de jouer avec la vie de cette façon. »
C’est à l’âge de 13 ans que le jeune Kendrick commence à composer. Inspiré par le premier album de DMX, il se cherche en écoutant aussi ses idoles Jay-Z, Biggie et Nas, jusqu’à trouver son propre style.
Et c’est pendant l’été de ses 16 ans, qu’il franchit pour la première fois les portes d’un studio d’enregistrement. Loin des gangs, loin de la misère, pour la première fois, le rappeur se sent chez lui.
« Je voulais juste partir loin de tout ça, m’évader, » avouait-il. « Je suis entré et j’ai rappé. Dés que je me suis entendu, je suis devenu totalement accro. Et depuis ce jour, j’ai juste continué à revenir. »
Une année plus tard, il compose son premier recueil de chansons intitulé « Youngest Head Nigga In Charge. »
Il décide alors de remettre son projet entre les mains du label local Top Dawg Entertainment CEO. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est que le label le connaissait déjà et avait la ferme intention de le signer. Toutefois, pour le tester, CEO lui a imposé 2h de freestyle non-stop ; une épreuve que le rappeur a réussi haut la main ! Il Et c’est ainsi que Kendrick a signé avec le label.
Dans un premier temps, il débute sa carrière sous le pseudonyme de « K.Dot » et sort deux mixtapes « Training Day » et « C4 », avant d’avoir LA révélation qui va donner un nouveau tournant à sa carrière.
« Je me suis levé un matin, avec le sentiment de ne pas faire ce que j’avais vraiment envie de faire. J’étais nouveau dans le milieu j’essayais de déterminer mon rôle sur cette planète. Je ne savais pas ce que ma musique apportait de plus aux gens. J’ai alors pris conscience que je devais faire quelque chose de différent, quelque chose qui me motive vraiment. J’étais ce gosse qui avait grandi à Compton. Je voulais raconter mon histoire, peu importe ce que les gens en pense. C’est pourquoi, j’ai voulu tout recommencer, repartir de zéro, sous ma véritable identité, parce que c’était qui j’étais vraiment. »
En 2009, Kendrick sort un premier EP éponyme, porté par les singles « P&P » et « She needs me ». Et c’est à travers cet EP qu’il impose son style et sa plume. Il est rapidement suivi par l’EP Overly Dedicated sorti moins d’un an après, et emporté par les singles « Michael Jordan » et « Cut You Off ». Il est presque immédiatement devenu l’un des rappeurs préférés de la profession.
« Ca m’a tellement surpris, je m’y attendais vraiment pas » admet-il. « Je ne pensais pas que les gens allaient aimer ce que je faisais parce que c’était différent. Mais ça m’a fait tellement de bien, parce c’était moi dans ma musique. Moi, en train de raconter mon histoire, c’était facile. C’était facile pour moi de ne pas parler de toutes ces merdes qui se passent dans la rue tout le temps. C’était facile pour moi de ne pas rapper sur des meurtres, car je n’en avais jamais commis. »
Un an après, les performances de Kendrick dans les villes et festivals du pays, continuent à faire parler d’elles, et le nom du rappeur s’installe dans le paysage musical. Il reçoit également les soutiens de Snoop Dog et Dr Dre, et participe à la tant convoitée XXL’s 2011 Freshmen cover.
Reconnu comme étant la voix de sa nouvelle génération, il enregistre, en juillet 2011, le tant attendu Section 80.
« J’étais le porte-parole de ma génération et de mes frères et sœurs » dit Kendrick dont il est l’ainée d’une famille de trois enfants. « J’essayais de raconter les histoires d’une famille qui a grandi sous l’aire de Ronald Reagan et de ses conséquences. Ma génération se sent proche [de mes textes] de la même façon que ces gens se sentaient proches de 2PAC. »
Si Section 80 de Kendrick rappelait facilement le son de 2Pac, son premier album chez Interscope Records, Good Kid, m.A.A.d City, peut lui, être comparé à du Langston Hughes (poète et éditorialiste américain du XXe siècle). En réalisant des featurings avec les plus grands du rap US (The Game, Drake, Rick Ross, etc…), Kendrick devient le premier artiste de sa génération qui a non seulement, réussi à changer le point de vue des gens sur le Hip-Hop de la côte ouest, mais aussi sur le Hip-Hop en général.
« Avant, la merde des gangsta était considérée comme cool » dit Kendrick « mais maintenant, soutenir sa famille, est devenu la chose la plus cool à raconter ».
24 ans plus tôt, NWA dressait un portrait sombre de Compton dans le milieu du hip-hop. C’est un juste retour des choses qu’un natif de la ville viennent rectifier une vérité qu’ils ont laissé derrière eux.