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"Je veux vivre dans un monde sans papiers, où les riches et les pauvres n'existent pas, où les chiens embrassent les chats, où on ne doit pas chercher la beauté et la vérité. Je veux vivre dans un monde où les cons ne font pas de bruit."
Le monde qu'Arno chante dans Je veux vivre, poignant blues urbain extrait de son nouvel album Human Incognito, est un beau monde, mais il n'existe pas. "C'est une utopie", avoue le chanteur, auteur et compositeur. "Mais il faut bien rester positif, hein ? Etre négatif n'a jamais aidé à faire avancer les choses. Et moi, je veux avancer..." Avec l'expérience et l'inspiration instinctive qu'on lui connaît, le challenge pour Arno aujourd'hui n'est pas tant d'enregistrer un nouvel album mais bien de ne pas se répéter. "J'ai déjà fait trente-deux albums studio dans ma vie. Avec Tjens Couter, TC Matic, The Subrovniks, Charles et les Lulus, Charles and The White Trash European Blues Connection et sous le nom d'Arno bien sûr...
A chaque fois, je me dis que je ne dois pas faire la même chose que sur mon disque précédent et c'est de plus en plus difficile. Il m'arrive de passer des nuits blanches à cause de ça. Mais une fois que j'ai trouvé ce que je veux, ca va très vite. Je suis un impulsif. Pour Human Incognito, j'ai souhaité privilégier une démarche organique. Il y a beaucoup moins de synthés et de claviers que sur mes albums précédents. Human Incognito, c'est ma voix, des guitares, une basse et une batterie... Tu vois un peu le bazar ?"
Quatre ans après une première collaboration sur Future Vintage, Arno retrouve l'Anglais John Parish (PJ Harvey, Eels, Perfume Genius) pour la production de Human Incognito. "Avec John, nous parlons de tout et de rien quand on n'enregistre pas. Mais dès que nous sommes en studio, il ne nous faut pas beaucoup de mots pour se comprendre. Et moi, j'aime ça." Human Incognito a été enregistré avec John Parish en Juin 2015 en une petite semaine au studio ICP à Bruxelles. Il a ensuite été mixé à Bristol en Aout où seulement quelques overdubs ont été ajoutés. "John habite à Bristol, c'est là qu'on avait fait Future Vintage. J'aime bien l'atmosphère de Bristol, ça doit être lié à mon enfance. Bristol présente beaucoup de similitudes avec Ostende." Pour Human Incognito, Arno a aussi fait confiance à Catherine J Marks, ingénieure du son et productrice australienne connue pour ses collaborations avec Foals, PJ Harvey, Ian Brown ou encore Champs "Catherine a été très importante pour le son de cet album. Elle m'a permis d'aller dans des territoires que j'avais n'avais pas encore explorés."
Alternant blues (I'm just an old Motherfucker, Dance like a Goose), ballades de poor lonesome European cowboy (Oublie qui je suis, Quand je pense à toi), anglais et français, passé simple, indicatif du présent et futur proche, Arno choisit de ne pas choisir et, du coup, reste imprévisible. On l'a rarement vu aussi libéré que sur Now she likes boys ou Oublie qui je suis. Sa voix n'a jamais été aussi fragile que sur Je veux vivre. Et ça fait un bien fou. Il y a aussi Please exist, dérogation électro au parti pris organique de l'album. Traversé d'une basse hypnotique dans Dance like a goose, alors que Never trouble trouble réveille en nous les démons du rock. Et on parle ici de vrai rock. "J'ai toujours besoin de faire du rock. C'est comme le live, je ne peux pas m'en passer, sinon je deviens fou. C'est physique et mental. Chaque fois qu'on me propose de faire des tournées 100% acoustiques, je réponds que je ne suis pas encore prêt. Je m'ennuierais trop vite."
Et puis, il y a toujours ce sens de la formule qui n'appartient qu'à lui. Seul Arno est capable de piquer là où il faut (Je veux vivre) sans pour autant jouer au donneur de leçon. Arno dit "je t'aime en silence", boit à la santé des cocus (Santé), voit "une vache qui danse le tango" (Une chanson absurde) et reconnaît que "tomber amoureux, c'est pas toujours romantique" (Quand je pense à toi, ballade de rupture 100% Arno). "Mon point de vue, c'est celui de l'être humain," rappelle-t-il. "Toutes mes chansons naissent de mon observation des gens. Je suis un solitaire, mais j'aime profondément les gens. Je les regarde, je les écoute, ils m'inspirent. A la base de mes chansons, il y a toujours une situation vécue que je transforme ensuite."
Alors, faut-il le croire quand il chante "I'm just an old motherfucker" sur fond de guitares rauques ? "Oui, c'est vrai, je suis un old motherfucker. Il m'arrive aussi de parler comme un vieux motherfucker. Je trouve ainsi que le rock est devenu beaucoup trop calculé aujourd'hui. Plus personne n'ose prendre des risques. Ça manque de révolte. A l'image du monde, le rock est devenu trop conservateur." Heureusement, il y a encore des albums comme Human Incognito pour nous prouver le contraire.