Trop souvent verrouillé dans la chambre noire d’une musique inqualifiable et inclassable, EZ3kiel a su, en l’espace de vingt ans, lever le voile sur les gravitations stylistiques attribuées à l’aveugle entre électro, dub, rock, voire classique et symphonique. Bien plus sensible à la création d’atmosphères, le groupe tourangeau sonde en vérité l’échelle et la volupté des émotions et des auras humaines lorsqu’il explore la densité des outils sonores, graphiques et visuels, des plus primaires aux plus technologiquement élaborés. Concepteurs, techniciens, producteurs, réalisateurs, etc., ces musiciens sont partis en quête de l’inventivité absolue via de multiples collaborations et autant d’expérimentations artistiques. De la boîte à musique enchanteresse d’un Yann Tiersen ou la pop gracieuse d’un Nosfell, au rock sombre et lumineux de Hint, en passant par le classique expérimental des Flamands de DAAU, des chercheurs du CEA, des orchestres de conservatoire, etc., les projets des membres d’EZ3kiel sont polymorphes. Ils subliment en une réalité augmentée les quelque dix opus que recense la discographie en 2014, autant de chapitres et autres séquences cinématiques à la technicité de haut vol, qui viennent indissociablement éclairer un leitmotiv scénaristique luxuriant. Reposant sur un antagonisme dual entre le révolu suranné et le contemporain d’une part, la douceur onirique et la dureté machinale d’autre part - l’un et l’autre, l’un dans l’autre -, l’œuvre intemporelle d’EZ3kiel joue sur l’uchronie, une science-fiction baroque d’imagination dont les musiciens retranscrivent en live l’illusion brute dans une esthétique sculpturale magistralement interprétée et mise en scène.
Maestro d’un rétro futurisme qui, entre les tournées « Naphtaline Orchestra » et « Extended » et l’exposition « Les Mécaniques Poétiques », a rayonné sur l’ensemble du territoire ces quatre dernières années, EZ3kiel n’en a pas perdu son latin pour autant. Magister des nouvelles technologies au service d’une musique cinématique électro rock et d’une scénographie de luxe, le quatuor de Tours revient comme à l’origine de toute créativité et de toute ingénierie qui en révèlent la densité : la lumière.
« LUX » est l’élément sine qua non qui, après la musique et l’image, vient irradier une œuvre de près de vingt ans qui résidait dans un espace-temps fait de dissonances fantasmagoriques mais jusqu’alors toujours photosensible. Le nouvel album perpétue la ritournelle imaginaire « cyber-lyrique » fort inspirée, en la quantifiant de cette nouvelle unité de mesure ponctuée de trois lettres et l’auréolant de son substrat, quelque part entre rencontre du troisième type et troisième millénaire. Avec « LUX », EZ3kiel nous restitue dix morceaux complétés de quatre titres bonus, composés à la lueur d’un travail toujours plus poussé en dispositifs technologiques et installations scéniques qui imbriquent projections, lumières, lasers et robotique au sein d’un même support. Exit l’expression calfeutrée des errements fluctuants de l’affect, le temps est au post rock ambiant, plus éclatant.