‘Suddenly I feel so free / I say goodbye to all of my worries / Taken over by / By this energy / Which I didn’t know that I had inside of me’. Les premières lignes de ‘Feeling Me’, extrait de ‘High’, le nouvel album de Lady Linn, pourraient faire référence à la palette sonore de ce dernier. Lady Linn y flirte sans complexe avec la dance, le disco à la Donna Summer, les beats et les synthés, de même qu’avec les guitares acoustiques. Les rythmes de jazz qui caractérisaient ses deux disques sortis précédemment sont toujours là, mais dans des arrangements électro. « Cette fois, je voulais vraiment faire les choses autrement », commente-t-elle.
En tant que compositrice, elle était prête à se jeter dans l’inconnu. Plutôt que d’écrire au piano, comme elle l’avait fait pour ses deux albums précédents, ‘Here We Go Again’ et ‘No Goodbye At All’, Lady Linn a décidé de composer à la guitare. « Je ne suis pas très douée à la guitare, mais cela faisait partie du jeu : je voulais écrire des textes très francs, des chansons directes. Il n’y avait que ma guitare et moi, je ne pensais pas aux arrangements, uniquement aux chansons. »
En tant qu’auteure aussi, Lady Linn a vécu une transformation. Ce sont les concerts donnés avec FCL, le side project au sein duquel elle chante des classiques de la house de sa voix pleine de soul, qui l’ont convaincue d’écrire de manière plus immédiate. « Les textes des classiques house que je chante avec FCL sont en fait des gospels, de l’émotion pure dénuée d’autocensure, comme ‘Heal My Heart’ de Kerri Chandler. Les chanter a été pour moi une expérience libératoire : je me suis sentie beaucoup moins inhibée quand j’ai entamé ce travail d’écriture. »
Les chansons nées de ce processus sont ses plus franches à ce jour. C’est au guitariste Bruno De Groote (Raymond Van Het Groenewoud, Axelle Red…) qu’elle les a confiées pour qu’il leur donne une forme plus aboutie. « C’est un musicien très intègre et très original auquel je fais totalement confiance. Il a eu carte blanche pour les réinterpréter. » ‘High’ a été produit par Renaud Letang (Jane Birkin, Feist…), avec qui Lady Linn avait déjà travaillé sur son album précédent, ‘No Goodbye At All’. Le producteur français fait aussi partie de ceux à qui elle voue une confiance aveugle. « Renaud a vraiment emmené ces chansons ailleurs – les beats et les sons électroniques, c’est son idée. »
Qu’est-il advenu des Magnificent Seven de Lady Linn ? Cet album est le premier que Lien De Greef sort sous le nom de Lady Linn tout court. Sans faire mention du groupe acoustique qui a donné à son premier album, ‘Here We Go Again’, ses couleurs swing jazz vintage, et à son second, ‘No Goodbye At All’, ce son pop si chaleureux. Pour être exact, si elle a laissé de côté le nom de son groupe, c’est parce qu’il ne collait plus à l’esprit et aux sonorités de ce nouveau disque, mais sur scène, elle est toujours accompagnée par les sept musiciens qu’il compte.
Le premier morceau à avoir été enregistré est ‘High’. Full on disco ! Aussi curieux que cela puisse paraître, inspiré par Charles Bradley, le soulman. « J’ai vu son concert du Pukkelpop à la télévision et j’ai failli pleurer : cet artiste est tellement authentique, il met tout son cœur et toute son âme dans sa performance. » ‘The Beat’, c’est de la pop sur un rythme dance, dont le beat énergique est signé Renaud Letang. ‘Build Up’ est une ballade mélancolique enrobée d’électro minimale. ‘Sassy’ raconte un crêpage de chignon dans un nightclub, évoquant pour l’occasion les clips old school de Destiny’s Child ; légèreté et impertinence, donc ! ‘Regret’ est aussi une ballade, mais acoustique, aux arrangements dépouillés, qu’on a envie de réécouter encore et encore, pour la musique comme pour le texte. Un peu de jazz s’est glissé dans les rythmes de ‘Drive’ et ‘Back’, tandis que ‘Never’ est une ballade synthpop façon années 80. En résumé : une abondance de styles et d’atmosphères.
‘Feeling Me’, la chanson à laquelle il est fait référence ci-dessus, avec ce texte qui pourrait aisément faire office de déclaration d’intentions électroniques, est, ironiquement, simplement accompagnée au piano. « J’ai pour habitude d’enregistrer les idées de chansons qui me viennent sur ma boîte vocale. Un jour, j’écoutais d’anciens messages, et je suis tombée par hasard sur la toute première version « messagerie » de ‘Feeling Me’. J’ai été bouleversée : cet a cappella était bien meilleur que ce que Renaud et moi en avions fait en studio, une version dance bourrée d’énergie. Pour ‘Feeling Me’, nous avons dès lors décidé d’en revenir à ce dépouillement de départ, et de ne rajouter qu’un peu de piano. » Cette anecdote illustre parfaitement comment la liberté musicale prise par Lady Linn sur son nouvel album n’a malgré tout jamais desservi l’essence de son art : enregistrer les meilleures chansons possible.