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« La MZ, c’est avant tout une bande de potes. Une bande de potes qui fait de la musique… Et qui aime faire de la musique ! ». Le répétant à tue-tête dans leur morceau phare (« Aime cette musique »), qui a rencontré son public sur la toile et bien plus encore fin 2012, les membres de la MZ demeurent de vrais passionnés de Hip Hop. Agissant sous le même étendard depuis de nombreuses années, le groupe, aujourd’hui composé de quatre rappeurs (Jok’Air, Dehmo, Hache-P et Rod’k) et d’un manager/producteur (Davidson), est tout sauf un collectif monté de toute pièce : « Il ne s’agit pas d’individualités diverses, réunies sur le tas à qui on a dit : »Vous, vous allez rapper ensemble ». », explique Rod’K. « On a grandi ensemble, on était à l’école ensemble. Primaire, collège, etc. Ça date ! », poursuit Hache-P.
Rue, crus, techniques, tous aussi motivés qu’ambitieux, les « mecs de la MZ » voient loin, très loin : « On veut être les numéros 1 du rap français, point barre ! ». Faisant leur trou lentement mais sûrement, en parfaite autarcie et sans aucun coup de pouce ni piston, la MZ est montée en puissance depuis sa création en 2007. Récemment alliée à l’entité KDBZIK (Zoxea et Melopheelo) afin d’élargir son champ d’action, l’équipe du 13ème arrondissement (quartier Chevaleret) vient de réaliser un gros coup, en signant en distribution chez Sony Music début mars. Comment ce groupe, dont les protagonistes dépassent à peine la vingtaine, en est-il arrivé là en 2013 ? La réponse dans les lignes qui vont suivre !
Bien avant la majorité…
Autrefois connu sous l’appellation Mafia Zeutrei, le collectif compte à ses débuts près de dix MC’s. Bercés aux musiques de leurs bleds respectifs et au Hip Hop qu’ils découvrent chacun de leur côté au milieu des années 2000 (Booba, Mafia K1fry, Dr Dre, Snoop, etc.), nos rimeurs en herbe grattent leurs premiers textes comme d’autres shootent, dribblent ou frappent dans un ballon : par pur esprit de divertissement. « Notre sport à nous, c’était le rap. », scandent-ils à l’unisson.
Avant que le collectif ne voit le jour, diverses succursales œuvrent chacune dans leur coin, tout en se côtoyant au quartier. Logiquement, l’idée de réunir tous ces groupes sous un seul et même fanion est rapidement abordée. L’union fait la force, disait le dicton, et pour nos lascars du treizième arrondissement, l’expression prend tout son sens ; les gens qui gravitent autour du noyau dur emboitent rapidement le pas : « On était 4, puis 5, puis 6, puis 10… », s’amuse Jok’Air. Cette nouvelle équipe fraichement formée et prête à en découdre, reste à lui trouver un nom. « Le blaze à lui seul témoigne de l’âge qu’on avait… La quinzaine à peu près. C’est moi qui l’ai trouvé, car je me butais à la Mafia K1fry. », m’explique Hache-P. « C’était histoire de faire un parallèle avec les grands d’un autre secteur. ». La jeune bande de potes noircit ses premières feuilles blanches et kicke ses premières scènes dans la désorganisation la plus totale et très vite, Davidson, l’un des grands du quartier, décèle un potentiel qu’ils n’imaginent peut-être pas eux-mêmes et qui ne demande qu’à être structuré. « Sur les clips de la mixtape « Avant la majorité » (NDLR : leur tout premier, dont le titre parle pour lui-même), tu as l’impression qu’on était déjà sérieux… mais en vrai, c’était vraiment bordélique pour nous canaliser. Untel est en retard, ceci, cela… De vraies prises de tête pour Davidson ! », rigole Dehmo. Dans l’optique de développer le groupe, Davidson créé un label, qu’il nomme après son prénom (Davidson Presents). Ce label va grandir et mûrir en même temps que le groupe. « A l’époque des skyblogs, de MSN, on enregistrait beaucoup de morceaux. Au bout d’un moment, on s’est dit : « Pourquoi ne pas les réunir sur un projet ? » », m’explique Jok’Air, qui du haut de ses 21 ans, fait figure d’ancien. « On s’est donc lancés sur « Avant la majorité ». On a commencé à enregistrer fin 2008, on l’a bouclé fin 2009 et il est sorti début 2010. ». Oscillant entre 16 et 17 ans, nos MC’s sont affamés et débordent d’idées, comme en témoignent les clips qui accompagnent la tape : « 75 Style », « Avant la majorité », ou encore « Notre Paris ». Forcément, leur âge se fait ressentir et avec le recul, le résultat n’est pas parfait. Mais leur fougue et surtout leur marge de progression gomment les principaux défauts. Ce qui impressionne par-dessus tout, c’est leur capacité à faire de véritables morceaux. Bon nombre de rappeurs au même âge rappent, kickent en freestyle, mais pêchent lors de la conception d’un titre. Là, la Mafia Zeutrei a déjà plus d’un wagon d’avance.
Le CD est distribué dans plusieurs Fnacs (Châtelet, Place d’Italie et aussi Lille), se vend beaucoup de main à main, les morceaux tournent sur le net et dans Paris et nos rappeurs se voient offrir l’opportunité de se produire sur la prestigieuse péniche du Batofar, en tant que seule tête d’affiche de la soirée : «L’un de nos meilleurs souvenirs de scène ! », s’accordent-ils. Les rappeurs s’occupent de faire de la musique, pendant Davidson gère les à-côtés, avec la plus grande patience du monde : « Je vais pas te mentir, on lui a parfois fait péter un plomb. », plaisante Dehmo. « Mais vu qu’on aimait la musique, ce qu’on devait faire, on le faisait du mieux qu’on pouvait ! ».
Des « Best rappers alive » à « MZ Music Vol.1 »
La recette semble fonctionner et voilà nos rappeurs qui s’aventurent sur un second projet : « MZ Music Vol.1 ». Mais avant cela, il est nécessaire de présenter les différentes (et nombreuses !) entités qui composent le groupe, notamment le dernier arrivé mais non moins talentueux, Rod’K. Les freestyles « Best rapper alive » arrivent donc à point nommé : « A la base, on était de gros freestyleurs et on a mis ça de côté lorsqu’on a travaillé sur « Avant la majorité ». Pour annoncer notre retour, on a donc fait un freestyle chacun, dans un endroit différent, histoire de revenir aux sources. », m’explique Jok’Air avant que Dehmo n’enchaine : « Chacun d’entre nous possède un univers qui lui est propre, c’était l’occasion de montrer cela au grand jour. Rod’k venait de nous rejoindre, on a donc balancé son freestyle en premier et il a très bien tourné. ». Ces vidéos marqueront une évolution dans la construction du groupe et scelleront une nouvelle connexion, visuelle cette fois-ci : la collaboration avec 420 Workshop, qui perdure encore à ce jour (420 réalise l’ensemble de leurs clips, mais en a aussi réalisé pour de nombreux autres artistes français, notamment les membres du label Néochrome).
Est venue l’heure de la tape, avec au menu une dizaine de sons téléchargeables gratuitement sur le net. L’identité MZ, très rue, teintée de technique et de musicalité, est d’autant plus affirmée et on note déjà une belle évolution des MC’s, qui fraichement adultes, ont pris du galon. Beaucoup de kickage (« Mecs de la MZ », « Hyper Kickeur »), quelques morceaux thématiques placés sous le ton de l’humour (« Où est cet enculé ») et un travail sur le visuel toujours aussi présent, ces trois titres ayant été clippés. Les MC’s n’ont pas la vingtaine mais leur âge n’est pas une excuse pour moins en faire : « On essaye toujours d’être en avance. Si on avait fait la même chose que les petits de notre âge, on serait passés inaperçus », argumente Dehmo. « Encore aujourd’hui, on essaie constamment de se projeter le plus loin possible. Très souvent, les gens ne s’y attendent pas et sont surpris par ce qu’on propose. ».Mais de manière assez inexplicable, la MZ est relativement peu suivie par les médias spé. Qu’importe, les rappeurs du 13ème sont persuadés que leur heure viendra. Ce projet leur permettra par ailleurs de rencontrer Equinox, qui deviendra en quelque sorte le beatmaker du groupe.
Forcément, les aléas de la vie font qu’une équipe aussi nombreuse reste rarement inchangée. N’allez pas croire par-là que de nouveaux éléments se sont greffés ou que des anciens se sont brouillés et ont décidés de stopper l’aventure. C’est simplement qu’il n’y a pas que le rap dans la vie et certains se concentrent sur leurs études, le travail ou le sport : « On s’est séparés dans le rap, mais dans la street, on est ensemble ! Les gens toujours actifs dans la MZ à ce jour sont ceux qui sont le plus concernés par le rap, les autres ont simplement fait un choix de vie. Mais si demain, on décide de faire un gros clip en équipe, comme on avait l’habitude de le faire, je peux te garantir que tout le monde sera présent ! », m’assure Dehmo. « Et Loka est footballeur professionnel aujourd’hui, c’est difficilement compatible. », ajoute Hache-P.
Fin 2011, nos rappeurs attaquent le deuxième volet des « MZ Music ». Projet qui tarde à voir le jour… mais pour d’excellentes nouvelles.
« Aime cette musique »
Le travail de l’ombre commence à payer et de sérieux contacts sont en train de se nouer. Jouant son rôle de manager à la perfection, Davidson sent qu’il manque un petit rien pour que le groupe passe à la vitesse supérieure… En fin stratège qu’il est, il décide de prendre la sphère du rap à contrepied, avec un clip au concept novateur et totalement inédit : « Tout le monde sait que la MZ est composée de mecs de quartier, qui rappent la street et qui le font bien. Si on faisait un clip supplémentaire, dans la cité, en montrant leurs têtes, des bécanes, etc., ça n’allait pas avoir d’impact. Il fallait aller plus loin. », explique Davidson. « La tendance de ces dernières années a été de voir beaucoup de gens de tous horizons sociaux dans le rap, pas uniquement du ghetto, et beaucoup de blancs. Ça reste mon avis, mais je pense que ce type de rap est plus facilement diffusé… En voyant cela, sans aucun esprit malveillant et sans dérision, je me suis dit que ça pourrait être un concept très original de prendre des auditeurs de la MZ qui vivent dans des quartiers chics, de leur faire apprendre les textes et clipper le tout chez eux, là où ils habitent. ».
« Aime cette musique », le morceau phare du groupe (voir clip en début d’article), c’est donc ça : mettre l’image « ghetto » de la MZ de côté, laisser la musique parler, permettre aux rappeurs de s’éclipser en cédant leurs places au profit de jeunes qui mènent des vies diamétralement opposés. En gros, disparaître pour mieux choquer. Interpeller, surprendre pour mieux faire passer leur message. Contactés via la page Facebook fan de la MZ, ces jeunes acceptent volontiers de se prendre au jeu, assument totalement leur train de vie, entre bourgeoisie et excès, tout en récitant les textes crus de nos rappeurs. L’impact est immédiat : décrié par une partie du public qui juge, non pas la musique, mais ce qu’ils voient, encensé par une autre qui crie au coup de génie, Davidson a réussi son coup : le blaze de la MZ est sur toutes les bouches. « Melopheelo disait qu’aujourd’hui, la musique, on la regarde. En voici la plus belle preuve ! », ajoute-t-il. Des rappeurs influents, tels que Booba, Orelsan ou Nessbeal, ne s’y trompent pas et diffusent le clip sur leurs pages Facebook respectives. Quand on sait à quel point le Boss du rap game est exigeant en termes de rap français, le résultat n’est pas des moindres !
Leur carte de visite ayant été acceptée, ou du moins découverte, par un plus large public, la MZ revient avec un clip, intitulé « Mr. Présents », aux antipodes du précédent : armes, pitbulls, flics, vie de rue, grosse équipe, etc. Les parfaits ingrédients du ghetto à la française. « Tu t’y attendais ? Non ? C’est l’effet voulu ! », me glisse Davidson, avec un sourire non dissimulé. « On a voulu montrer la tendance médiatique de ces dernières années, puis revenir à ce que l’on est vraiment, sur le même style de musique, avec deux sons du même producteur. ». Le calcul est ingénieux et paye ! La suite en témoigne…
Un partenariat de poids : KDBZIK… Jusqu’à la signature !
Avant ces deux clips qui ont largement contribué à assoir le groupe dans le paysage du rap actuel, un partenariat de poids s’est instauré. Alors que Jok’Air et sa bande n’en étaient qu’à leurs débuts, ils fréquentaient assidument les ateliers d’écriture initiés par Zoxea, au 104 dans le 19ème arrondissement. C’est précisément là-bas que le premier contact entre KBZIK et Davidson Présents s’établit : « A l’issue de chaque atelier, il y avait un micro ouvert. Deux groupes se détachaient clairement de la masse : 1995 et la MZ. », explique le Sage Po’. « Lorsque j’ai quitté le 104, Davidson et moi-même sommes restés en relation, il me relançait et m’envoyait régulièrement les nouveaux morceaux, clips, etc. pour me tenir au courant de l’évolution. Avec Melopheelo, on les a d’abord observés, puis on a estimé qu’ils avaient fait leurs preuves sur le terrain, ce qui est très important dans notre vision des choses. KDBZIK est très sollicité pour développer des artistes en devenir, mais on privilégie les artistes qui ont vécu, qui ne sortent pas de nulle part. La MZ avait déjà fait beaucoup de clips et de scènes, donc c’était intéressant pour nous d’essayer d’apporter un plus. Après concertation, on les a signés en édition. ». Si en termes d’images, la MZ est resté identique à ce qu’elle véhiculait, le savoir-faire de Melopheelo et Zoxea reste un plus est un plus indéniable. « Je travaille avec la MZ depuis longtemps, mais je n’ai aucune formation en production, ni management et peu de moyens financiers. J’ai tout appris sur le tas. », confie Davidson. « Vu l’ampleur que le groupe prenait, il fallait un soutien extérieur pour atteindre un nouveau pallier et l’expérience de KDBZIK n’est pas négligeable. D’avoir rencontré les bonnes personnes me soulage et je sais que maintenant, on est armés pour la suite. »
La suite, justement, s’annonce des plus favorables. Fort de ce buzz de terrain et du travail déployé, le groupe vient de décrocher une signature sur le label Arista, hébergé par Sony Music : « C’est la musique qui a parlé. Ils nous ont intégrés car ils ont écouté le projet et ont compris la démarche. », commente Davidson. « On a signé en distribution, c’est-à-dire qu’on reste indépendants dans tout ce qu’on fait. On amène simplement un produit fini. ». Si notre collectif se réjouit de cette avancée, ils n’en demeurent pas moins lucides : « C’est un soulagement après 7 années de taf intensif, mais ça n’est que le début. Notre ambition, c’est d’êtres les numéros 1 ! »
Rap & Sport !
Les concerts de la MZ voient souvent les supporters du quartier débarquer en nombre, pour donner de la voix et de la force à leurs compatriotes : « On a grandi ensemble, mais on n’était pas que 4 ! », sourit Dehmo. « Notre quartier nous soutient, on a envie de bien les représenter. ».Force est de constater que la scène, c’est leur truc ! Il n’y a qu’à visionner les quelques vidéos Youtube de leurs concerts pour s’en rendre compte. S’ils ont toujours particulièrement apprécié cette discipline, nos rappeurs ne l’abordent avec un véritable sens de l’organisation que depuis peu de temps : « Maintenant et c’est une chose que l’on faisait moins par le passé, on répète vraiment nos jeux de scènes. Avant c’était plus « freestyle », plus bordélique. Aujourd’hui, on conserve la même énergie, avec plus de sérieux. C’est la touche que Zoxea et Melopheelo nous ont apportée. », confie Jok’Air. La notion de performance, proche de l’effort sportif, est toujours présente dans l’esprit de la MZ. Jok’Air dresse une comparaison plus qu’intéressante entre le rap et la compétition : « Un footballeur, il s’entraine mais ce qu’il attend, c’est le match ! Nous c’est pareil : on fait les morceaux, on fait les clips, mais viens on va sur scène et on te montre ce dont on est capables ! ».
Rap et compèt’, vous avez dit ? En voici un parallèle intéressant… Car ceux qui les suivent le savent, la MZ évolue en marge du mouvement français et ne se mélange que très peu, voire pas du tout aux autres rappeurs : « On n’a besoin de personne pour rapper. On est déjà 4, c’est beaucoup ! », affirme Hache-P. « Quand tu te mélanges, tu perds de la valeur / Le rap c’est de la compèt, on se mélange pas. », ajoute le grand frère producteur. « Ce sont deux phrases extraites de leurs textes, elles parlent d’elles-mêmes ! Lors d’un OM/PSG, tu ne vas pas voir un joueur faire la passe à un membre de l’équipe adverse. C’est clairement notre état d’esprit. » Les seules collaborations qu’ils s’octroient, ce sont celles avec leurs collègues du Binôme, également pensionnaires de l’entité Davidson Présents.
En bref…
Un collectif de Paris intra-muros, jeune et brillamment coaché par un de leurs ainés, affamé et déterminé, qui a pour ambition de siéger sur le trône du rap français en se faisant seul, sans featuring coup de pouce ni l’aide de personne… l’histoire n’est pas sans rappeler la success story d’un autre groupe de rap de la capitale (Sexion d’Assaut) qui rafle tout dans les charts depuis quelques années… Dans un registre certes totalement différent, nos rappeurs peuvent-ils être le prochain groupe sur le devant de la scène ? C’est en tout cas tout le mal qu’on peut leur souhaiter. Nos rappeurs s’apprêtent à balancer deux autres gros clips : « Fonceder » et « Mitraillette » (extrait de la BO du film « La Cité Rose ») incessamment sous peu, et « MZ Music Vol.2 », prévu pour le mois de juin 2013, sera la prochaine pierre de cet édifice. Une fois n’est pas coutume, affaire à suivre !
Peace,
Renaud M.